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Publié : 18 novembre 2012

Quand l’agro-industrie étrangle l’agriculture de montagne

Une technicienne du Groupement de Défense Sanitaire (GDS) du cheptel en Ardèche évoque les contrôles tatillons sur les paysans. Parallèlement, les industriels sont libres d’importer comme ils veulent du caillé congelé d’Espagne pour faire baisser le prix du lait de chèvre.

Fille d’agriculteurs, cette dernière observe le monde paysan avec sympathie et inquiétude. Sa sympathie va à ce métier qu’elle connaît bien.

"Ici on voit des femmes faire leurs foins à la moto-faucheuse. Je n’observe que du travail bien fait dans ce département. En réalité, ceux et celles qui transforment leur production avant de la vendre directement sont assez satisfaits de leur situation. Mais c’est énormément de travail que d’être agriculteur, comptable et commerçant en même temps". Et tout cela "sans compter que les papiers pour les dossiers annuels de la Politique agricole commune (PAC ) sont de plus en plus compliqués à remplir".

Importer du caillé d’Espagne pour peser sur les prix Elle observe avec inquiétude qu’il devient de plus en plus difficile d’être à jour sur tout, qu’il s’agisse du bouclage des animaux ou des normes sanitaires en tous genres, bien plus strictes en France que dans d’autres pays de l’union Européenne. Surtout quand tout est fait, parallèlement, pour ne pas payer les produits agricoles à leur juste valeur.

Le département ne compte plus que 450 producteurs de lait de vache, et la production de lait de chèvre est désormais revue à la baisse par les industriels de la transformation laitière. Comme l’Espagne n’est pas loin, des laiteries industrielles ardéchoises importent depuis l’Espagne du caillé de chèvre congelé comme matière première à travailler. Ils se donnent ainsi une nouvelle arme pour imposer une baisse du prix du lait aux éleveurs locaux.

Difficultés d’abattage De même que les importateurs de pommes remplissent leurs chambres froides de produits importés pour faire chuter les cours au moment de la récolte chez nous, les industriels laitiers importent du caillé congelé dans le même but. Que deviennent alors la production locale, l’entretien des paysages sacrifiés pour les profits à court terme des grands groupes de l’agro-alimentaire ? L’abattage des animaux constitue un autre handicap pour les éleveurs ardéchois. L’abattoir d’Aubenas tourne à 3 000 tonnes par an, celui d’Annonay à 1 000 tonnes et celui de Privas à 450. 60 % des bêtes abattues à Privas sont vendues sur l’étal du meilleur boucher de la ville. En réalité, les bouchers ne veulent plus venir prendre les animaux à la ferme. L’éleveur qui veut vendre au boucher ou pratiquer la vente directe doit conduire lui-même ses bêtes à l’abattoir, et disposer d’un véhicule agréé pour le transport des animaux vivants.

Quand les normes poussent à la magouille

Toutes ces exigences cumulées au niveau des normes et dispositions en tous genres à respecter dans un contexte de pression permanente sur les prix payés aux producteurs, conduisent finalement au découragement et aux comportements clandestins.

Ainsi, il n’y a plus de primes pour les élevages de brebis au cheptel inférieur à 50 unités. Sauf que ces petits troupeaux chez des pluriactifs participent à l’entretien des paysages. Du coup, à quoi bon déclarer ses animaux, se disent certains éleveurs. Du coup aussi, on sait que certains petits éleveurs réalisent 50 % et plus de leur chiffre d’affaires au moment de la fête musulmane de l’Aïd-el-Kébir. Notons, enfin, que les chevreaux des élevages laitiers se vendent si mal que certains se posent désormais la question de les sacrifier à la naissance. Un crève-coeur de plus pour les éleveurs.

D’après une interview de Gérard Le Puill