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Publié : 20 octobre 2014

FAUT-IL VRAIMENT PAYER TOUTE LA DETTE ?

D’après Jean Gaudrey, économiste dans Le Monde Diplomatique octobre 2014

Unanimes, les médias détaillent les sacrifices « qui s’imposent » pour payer la dette publique dont la hausse est inexorable… Toutefois, lorsqu’un collectif démontre que plus de la moitié de ces créances n’ont pas à être remboursées, le silence est total…

Depuis l’automne 2011, une centaine de comités locaux du Collectif pour un Audit Citoyen de la dette (CAC) ont vu le jour un peu partout en France. Leur objectif : répondre au chœur des éditorialistes, des « experts » et de la majorité des dirigeants politiques enjoignant aux citoyens de se serrer la ceinture pour assumer le fardeau de la dette. Ils posent une question simple : faut-il payer TOUTE la dette ? Synthétisant près de trois ans investigations, un groupe de travail a publié en mai 2014 une étude, accessible à tous (www.audit-citoyen.org), qui apporte la réponse : la part illégitime de la dette française – celle que l’État serait fondé à ne pas rembourser – s’élèverait à 59 % de son montant total.

Le collectif s’est efforcé de comprendre la genèse de la dette et posé les questions suivantes : d’où vient la dette ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général (part légitime) ou au bénéfice de minorités privilégiées (part illégitime) ? Peut-on l’alléger autrement qu’en appauvrissant les populations ?

Comm’Val d’Ay ne peut malheureusement pas développer les arguments et conclusions pourtant lumineux de ce rapport. Nous nous contenterons de noter les principaux :

L’Etat dépense trop ? Faux. Son déficit s’explique beaucoup plus sûrement par les recettes importantes dont il se prive en allégeant la fiscalité des ménages aisés et des grandes entreprises, soit environ 5 % du PIB. Si les recettes avaient été maintenues au même niveau qu’en 1997, la dette serait aujourd’hui inférieure d’environ 22 %.

Taux d’intérêts des emprunts ? L’État aurait pu recourir à des emprunts plus bas (auprès des ménages, comme le fait le Japon) mais surtout, l’obstacle majeur aujourd’hui est celui du traité de Maastricht, qui interdit les emprunts directs auprès de la Banque Centrale qui pourraient se faire à taux très bas* comme c’est le cas pour les banques qui, ensuite, prêtent aux Etats à des taux très élevés. De plus, excessifs sur une période (années 90), ils entraînent ensuite un effet boule de neige qui entraîne de nouveaux emprunts etc...

En combinant ces deux facteurs d’illégitimité – réduction des recettes de l’État et effet boule de neige de taux d’intérêts excessifs – cela donne le résultat suivant : la part illégitime de la dette représenterait en 2012, 59 % de la dette publique actuelle (soit 1 834 Milliards d’euros).

Alors que fait-on de cette dette illégitime ? Si on la paie, cela signifie tout simplement que des français devront travailler davantage pour accumuler l’équivalent de 1 834 Milliards d’euros de richesse supplémentaire qui seront versés aux détenteurs de la dette…

Les critères d’analyse retenus par le CAC, dont la méthode et les choix sont transparents, ne sont pas seulement « militants ». Ce sont ceux qu’on retrouve partout. Mais les justifications techniques n’arrivent pas toujours aux mêmes conclusions suivant qu’elles émanent des intérêts des uns et des autres... Le CAC a voulu prendre en compte les débats citoyens qui ont conduit l’analyse, ce qui amène à une « modération » mais pour autant n’en affaiblit pas l’argument car tout en démontrant que pour alléger le poids de la dette tout en finançant les investissements publics destinés à opérer une transition sociale et écologique, il n’est pas nécessaire d’en passer par l’austérité, elle n’en conclut pas moins qu’il est nécessaire d’affronter directement les intérêts des rentiers de la finance.

*voire zéro selon certains qui n’hésitent pas à conclure à l’illégitimité totale de la dette

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