Vous êtes ici : Accueil du site > Articles CommVal d’AY > LA FRANCE ETAT DE DROIT : JUSQU’A QUAND ?
Publié : 29 février 2016

LA FRANCE ETAT DE DROIT : JUSQU’A QUAND ?

Notre droit, depuis 1789, vise à se prémunir des pulsions qui freinent le bien-vivre en société, au-delà de nos différences. Ce n’est pas chose aisée et réclame du sang froid. Or il apparaît que, depuis les terribles attentats du 13 novembre dernier, le gouvernement pousse le peuple à penser, non pas dans le silence de ses passions, mais bien plutôt dans le vacarme de ses angoisses. N’est-ce pas dans les moments exceptionnels qu’il convient justement de protéger les fondements du contrat social , de se convaincre et de convaincre l’ensemble des citoyens de ne pas céder à la peur ?

Notre droit, aussi imparfait soit-il, a intégré cette exigence de prudence en stipulant dans son article 89 que la Constitution ne peut être révisée lorsque l’intégrité du pays est menacée . Et ceci justement pour éviter que ne se prennent, sous le coup d’une émotion mauvaise conseillère ou dans un contexte de suspension des libertés, des décisions qui contreviendraient aux principes fondamentaux qui régissent la vie.

En ânonnant que la France est en guerre – alors que la Constitution indique, dans son article 35, que seul le Parlement peut autoriser la « déclaration de guerre » -, le Président et le gouvernement entretient le climat de panique que les terroristes ont cherché à introduire dans le pays et légitime les coups de canif portés aux principes fondamentaux de la République.

Ce climat particulièrement délétère qui se propage dans les interstices de la société conduit à une puissante dérive de « l’état de droit » vers un « état de sécurité » permanent :

L’état d‘urgence constitutionnalisé c’est un recours sans frein aux mesures d’exception, agrémenté de l’inscription dans la norme suprême du droit, de la déchéance de nationalité qui serait bel et bien réservée aux binationaux, puis d’une « réforme* » majeure de la procédure pénale au détriment de l’autorité judiciaire , ce qui serait attentatoire au principe de séparation des pouvoirs. Or, l’article 66 de la Constitution prévoit que c’est l’autorité judiciaire seule qui est garante des libertés individuelles , et non le Conseil d’Etat ou toute autre autorité administrative dépendante du pouvoir politique. Ce cocktail explosif menace l’équilibre sur lequel repose le droit républicain . Mais surtout, en bravant aussi bien ses lettres que son esprit, le gouvernement n’agit-il pas en dépit de la Constitution, ?

Le droit, s’il reste toujours à parfaire et s’il reste trop souvent au service des puissants, est un instrument pour sortir les individus de leur communauté respective, de leur condition de naissance, et pour penser l’universel. Il faut de toutes nos forces refuser cette fuite en avant. Il est dès aujourd’hui possible de fédérer largement contre le projet de révision de la Constitution. Ce n’est pas qu’un problème de droit ; c’est l’idée même d’une citoyenneté mise sous couvercle qui nous inquiète, une dépossession grandissante des citoyens et de leurs prérogatives au profit de leurs représentants. Pour que la vraie politique retrouve ses droits et pour préserver nos libertés, refusons cette révision de la Constitution ! D’après P. Le Hyaric, Député européen

* faut-il rappeler une fois de plus la définition du mot « réforme » ? « changement opéré en vue d’une « amélioration ».

Diaporama